DOM-TOM, un exil intérieur ?

Pas de prises de tête. Ici on fait une pause-café en laissant travail et stress de côté. Sujets divers...Discussion libre...Prenez la parole ou suivez les débats déjà  lancés par les membres de Gwadayouth...
Répondre
Avatar de l’utilisateur
dada-7
Golden Lyricist
Golden Lyricist
Messages : 832
Inscription : jeu. 15 nov., 2001 02:01
Localisation : An laboula!
Contact :

DOM-TOM, un exil intérieur ?

Message par dada-7 »

Voilà  un chat tiré du site lemonde.fr:

L'intégralité du débat avec Dominique Wolton, chercheur en communication politique et directeur de la revue "Hermès", lundi 4 octobre.


Thim : Je suis martiniquais. Ma nationalité "française" a-t-elle un coût pour les Français de France ? En d'autres termes, le Martiniquais peut-il être accusé d'alourdir le panier de la ménagère française "blanche" ?

Dominique Wolton : Je crois qu'il faut tordre le cou à  cette idée toute faite selon laquelle les "outre-mer" coûteraient cher à  la métropole, ce qui a d'ailleurs été démontré hier dans l'émission, et il y a deux choses à  dire : la métropole tire des bénéfices des outre-mer économiquement, socialement et culturellement, les outre-mer permettent à  la métropole d'être sensible à  la diversité culturelle.

Cela est fondamental dans le cadre de la mondialisation. Autrement dit, que la France ne soit pas faite que de petits Français blancs, c'est une chance pour la France de demain, car les outre-mer sont une ouverture sur la diversité culturelle, géographique et politique. C'est d'autres manières de voir le monde. Dernier argument : grâce aux neuf collectivités territoriales sur trois océans, la France est une puissance mondiale parce qu'une puissance maritime.

Donc le jeune internaute martiniquais n'a pas à  s'inquiéter, il a sa place à  part entière dans la France multiculturelle, comme les sociétés britannique, espagnole, etc. Le monde de demain, c'est un monde ouvert, où les peuples se mélangent. Toutes les nations qui ont des identités culturelles plurielles, comme la France, se trouvent dans une situation bénéficiaire. D'une certaine manière, c'est l'Hexagone qui doit remercier les outre-mer de lui permettre de construire une identité culturelle plurielle française. Ce raisonnement englobe les DOM-TOM, mais aussi tous les enfants de l'immigration de deuxième et de troisième génération qui viennent du Maghreb, et même une bonne partie des enfants des anciennes colonies. Les outre-mer, l'immigration et la francophonie sont une richesse pour la France. Tout simplement parce que ces trois éléments lui permettent d'être à  la hauteur des enjeux de la mondialisation.


Jean : Pouvez-vous donner des exemples de bénéfices économiques que tire la France des DOM-TOM ?

Dominique Wolton : Ils sont considérables. Premier exemple : la puissance maritime, par le nombre de kilomètres autour des côtes. Ensuite, exportations de biens de production et de consommation de la France vers les DOM-TOM, qui augmentent l'économie de la France. De plus, elle importe des matières premières. C'est une destination touristique. Ces hommes et ces femmes des trois océans (Atlantique, Indien et Pacifique), par leur histoire, élargissent considérablement les frontières culturelles et symboliques de la France.


Babar2004 : La question de l'indépendance politique se pose actuellement partout dans le monde. Pourquoi n'est-elle jamais évoquée pour les DOM ?

Dominique Wolton : Elle est très souvent évoquée, car il existe des mouvements indépendantistes dans les DOM-TOM. Mais la situation a plutôt favorablement évolué en cinquante ans. D'une part, la diversité des statuts fait que, en réalité, il y a quasiment un statut à  la carte pour chaque territoire. Et avec de plus en plus d'autonomie. La principale dépendance, aujourd'hui, reste économique. Deuxièmement, on sait aujourd'hui qu'une indépendance politique pour des petites collectivités entre 300 000 et 1 million de personnes est souvent une illusion, parce que l'indépendance politique ne s'accompagne d'aucune indépendance économique. Le problème pour l'avenir, c'est plus de préserver l'identité culturelle de ces territoires que l'indépendance politique stricte.

Autrement dit, il faut préserver les liens avec la France et l'Europe, qui sont tout de même une protection face à  la mondialisation, et, en même temps, se battre farouchement pour préserver l'originalité et la diversité des modèles sociaux et culturels de ces différentes sociétés. Un pays de 300 000 personnes a peut-être une indépendance politique difficile, mais, du point de vue de la richesse des civilisations et des cultures, il est aussi important qu'un pays de 30 millions d'habitants. La richesse culturelle n'est pas d'abord un problème quantitatif. C'est là -dessus que les outre-mer doivent renforcer leur position par rapport à  la métropole.


Airikc : N'est-il pas un peu démagogique de dire que les DOM-TOM ne coûtent rien à  la métropole, alors que ces territoires sont sous perfusion financière depuis des décennies et que près de 50 % de la population vit partiellement de l'aide sociale (chômage et RMI) ?

Dominique Wolton : La réponse est simple. Si l'économie locale n'est pas plus développée, c'est aussi en partie de la responsabilité de la métropole, car ce sont des économies de dépendance. Par ailleurs, c'est vrai que le niveau de consommation outre-mer, par rapport aux pays alentour, est souvent excessif, mais ce sont les industries françaises qui sont directement les bénéficiaires de cet argent de consommation. En matière strictement économique, ce n'est pas de l'argent perdu, c'est de l'argent qui alimente la profitabilité de la très grande majorité de l'industrie française. Les outre-mer font partie du marché intérieur, par extension. En revanche, la vraie question, c'est le niveau trop fort de consommation de type strictement européen par rapport à  des pays qui ont d'autres traditions. Il faut donc trouver un équilibre.


Martinique : Que pensez-vous de la discrimination positive à  l'embauche pour les jeunes "domiens" diplômés, qui, on le sait, ont de grandes difficultés à  trouver des emplois correspondant à  leur niveau d'études dans leurs îles natales ?

Dominique Wolton : Hier, on a parlé ou de discrimination positive, ou de discrimination indirecte. C'est-à -dire aller moins loin qu'une politique de quotas, mais tout de même, effectivement, être sensible à  la discrimination négative qui existe contre les DOM-TOM. Et c'est encore plus vrai dans l'océan Pacifique, parce que c'est encore plus loin. Il faut trouver des formes qui obligent les pouvoirs publics, les entreprises, à  réduire la discrimination et à  respecter le droit français, à  savoir l'égalité de tous devant la loi. Et, encore une fois, ce problème est également valable pour les enfants de la deuxième génération de l'immigration et, pour une bonne part, des enfants issus de la décolonisation.


Martinique : J'entendais discrimination positive dans leurs îles respectives, pas en France hexagonale.

Dominique Wolton : Absolument, c'est tout à  fait juste. On parle trop souvent des liens bilatéraux, alors qu'en fait il y a un manque de solidarité tragique et d'intérêt mutuel entre les outre-mer eux-mêmes. Il y a donc deux questions à  résoudre : faire plus de place sociale, économique, aux outre-mer dans l'Hexagone, et favoriser les liens, beaucoup trop faibles actuellement, entre les territoires d'outre-mer. L'indifférence n'est pas le monopole de l'Hexagone. Et, du coup, celui-ci devient le bouc émissaire facile d'un manque d'intérêt par rapport à  ce qui se passe simultanément entre les autres DOM-TOM.


Jarjarvinz : Quel est aujourd'hui l'état des mouvements démographiques entre la métropole et les DOM-TOM ? Quelle est leur évolution ?

Dominique Wolton : Très bonne question, car il y a une tartufferie et une hypocrisie de la France et de tous les pays européens sur ces questions d'immigration et de démographie. D'une part, il y a des tentations de repli nationaliste, et, d'autre part, l'Europe est très contente que les immigrés soient chez nous, parce qu'eux font des enfants. Et c'est le même phénomène pour les outre-mer, où la tradition sociale et culturelle est beaucoup plus favorable aux familles élargies et nombreuses qu'en métropole. Les outre-mer contribuent directement au dynamisme démographique français, ce qui devrait susciter un peu plus de fierté.


Pichouboy : Les habitants des DOM-TOM sont-ils favorables à  la construction européenne ?

Dominique Wolton : Les domiens, oui, car ils font partie de l'Union européenne, puisqu'ils sont départements français. Pour les Antilles et pour la Réunion, c'est un incontestable avantage, qui d'ailleurs devra obliger l'Europe à  s'apercevoir elle aussi qu'elle a des racines sociales et culturelles mondiales. Si la France a le plus grand nombre de territoires extérieurs, c'est aussi le cas, en plus petit, pour le Portugal, l'Espagne, la Grande-Bretagne. Par contre, les TOM ne font pas partie de l'Union européenne, et il est à  souhaiter qu'une coopération étroite s'établisse entre eux et l'Europe pour à  la fois les protéger face à  la mondialisation et leur donner une égalité par rapport aux DOM.


Wb : Les spécificités de l'outre-mer pour les fonctionnaires (40 %) sont-elles amenées à  disparaître ?

Dominique Wolton : La question posée dans l'émission d'hier est juste. On considère qu'il faut donner des privilèges aux fonctionnaires métropolitains qui vont outre-mer, mais la réciproque n'est pas vraie. Et on retrouve pourtant dans les deux cas de redoutables problèmes de niveau de vie. Pour l'instant, ces privilèges des fonctionnaires métropolitains sont une réelle injustice. Et, surtout, ils ne favorisent pas l'idée d'une égalité sociale et culturelle entre les peuples parce qu'un "Blanc" qui va outre-mer, on lui donne plus d'argent pour vivre, alors qu'un habitant de l'outre-mer qui vient en France, c'est comme si on lui faisait un honneur. Il y a là  un mécanisme pervers qu'il faudra changer en mettant plus d'égalité entre les fonctionnaires de l'Hexagone et ceux des outre-mer.


O'média : Quel est le pourcentage de fonctionnaires dans les DOM-TOM ? Je crois qu'il est hallucinant, non ?

Dominique Wolton : Il y en a beaucoup parce qu'il y a la prime. Aussi parce qu'il y a des gens qui ont envie d'aller vivre ailleurs. Et, troisièmement, c'est également dû au fait que l'Etat français préserve les grandes fonctions du service public, et heureusement. Par contre, étrangement, il n'y a pas assez de personnalités d'outre-mer dans le cadre A de l'administration, au sommet de la hiérarchie, chez les préfets, chez les professeurs d'université, chez les généraux et les colonels, chez les médecins-chefs hospitaliers... Autrement dit, les populations d'outre-mer peuvent accéder à  la fonction publique, mais n'accèdent pas assez vite et en quantité suffisante à  la hiérarchie supérieure de la fonction publique. Combien de préfets issus d'outre-mer ou de l'immigration existent ? "LES ÉLITES RESTENT DÉSESPÉRÉMENT MÉTROPOLITAINES"


Pichouboy : Quelle est la part de la population des DOM-TOM dans la population française ?

Dominique Wolton : Très difficile de l'évaluer, car notre système de recensement refuse la discrimination par l'origine. Les Français sont comptés comme des Français. En gros, on suppose qu'ils sont en métropole entre 800 000 et 1,5 million, ce qui est beaucoup. En tout cas, il faut le redire, dès qu'il y a de la croissance économique, la métropole n'est pas mécontente - ce qui fut le cas avec le Bumidom (bureau qui gère la main d'œuvre allant dans le sens outre-mer/métropole) pendant trente ans - de faire venir de la main d'œuvre des DOM-TOM.


Pichouboy : Cette proportion se retrouve-t-elle dans les études supérieures ?

Dominique Wolton : Non, justement, c'est ça l'inégalité. Alors qu'il y a des universités sur place, l'ascenseur social marche moins bien. Les élites françaises restent désespérément métropolitaines. La France est de ce point de vue plus fermée que la Grande-Bretagne. Nous disons que nous sommes universalistes, c'est-à -dire que nous refusons de segmenter les communautés, et, par comparaison avec la Grande-Bretagne, qui, elle, est plus communautariste que nous, on constate que les élites britanniques sont globalement moins fermées que les élites françaises. Et c'est une injustice, et surtout un gâchis d'enrichissement culturel mutuel. La solution, ce n'est pas les quotas, c'est de faire marcher les institutions égalitaires françaises.

Mais on trouve toujours la question du racisme ou du complexe de supériorité culturelle. De toute façon, cela va changer, car, avec la mondialisation, les jeunes voyagent de plus en plus, ont accès de plus en plus à  toutes les informations du monde. Et, à  juste titre, les jeunes des DOM-TOM refuseront de plus en plus d'être des citoyens de seconde zone. Donc tout va plutôt dans le sens d'un changement. C'est une obligation de changement, à  la fois pour les valeurs démocratiques et pour le respect de la diversité culturelle. Dans l'avenir, la diversité culturelle pour moi est la vraie richesse. Et, en matière de diversité, la France n'a aucun monopole ni aucune supériorité, de même que la Grande-Bretagne, l'Allemagne...


Tej : Les expériences locales menées dans les DOM-TOM (traitement du chômage massif, politique de la ville...) ne pourraient-elles servir d'"exemple" pour la métropole ? Que manque-t-il pour qu'elles y parviennent ?

Dominique Wolton : Oui, et c'est la même chose pour la laïcité. La métropole est complètement sourde, hélas, aux expériences menées outre-mer et qui souvent pourraient être utiles pour l'Hexagone. Cela reflète le côté terriblement "hexagonal" des élites françaises. Autrement dit, un énarque veut bien aller passer ses vacances outre-mer, mais il ne pense pas une seconde que des solutions intelligentes peuvent être inventées sur place, et pourraient être utiles dans l'Hexagone. Et c'est ça l'injustice, le complexe stupide de supériorité des élites métropolitaines. C'est vrai pour l'économie, pour les soins, pour l'éducation, pour les rapports humains, pour la conception de la famille, pour l'organisation des rapports sociaux, pour la solidarité, pour la tolérance. La tolérance religieuse, par exemple.


Nico : On a beaucoup parlé de l'importance des nouvelles technologies, qui contribueraient à  compenser l'éloignement des DOM. Mais pensez-vous qu'au-delà  des communications dans les familles, il y ait là  un levier de développement et d'échanges ?

Dominique Wolton : J'ai fait une recherche il y a deux ou trois ans sur l'impact des nouvelles technologies. Il y a deux choses : 1. Oui aux nouvelles technologies, car elles permettent de réduire les distances physiques. Mais, au bout d'un moment, le problème, c'est la communication, à  savoir le respect et la relation mutuelle. Et là , hélas, tant qu'en métropole on ne considère pas l'outre-mer comme un partenaire à  part entière, égalitaire, les nouvelles technologies ne suffisent pas à  sortir les outre-mer du décalage. 2. La conception, le mode d'usage des nouvelles technologies, sont très influencés par le style occidental nord-américain, auquel la population du monde entier veut adhérer, mais, en même temps, les peuples d'outre-mer ont leur propre imagination et leur propre culture. Il faut donc qu'ils inventent un détournement de ces outils par rapport à  leur philosophie.
Oui, bien sûr, aux nouvelles technologies, mais le problème principal n'est pas la fracture numérique, mais d'investir ces réseaux pour y introduire cette fameuse diversité culturelle.


Lisa H. : Je suis d'origine antillaise, et j'ai parfois l'impression que des barrières existent quant au retour dans leurs îles natales des "expatriés" qualifiés. Avez-vous étudié la question ?

Dominique Wolton : Oui, c'est vrai. Il y a à  la fois une insuffisance de formation de l'élite outre-mer, et pas assez de retours sur le territoire. Ce n'est pas qu'il y ait des barrages, mais ce sont ces élites qui ne veulent pas retourner chez elles. Si on veut qu'il y ait plus de circulation entre les outre-mer et la métropole, il faut réduire la première barrière, qui est le coût du transport. Mais là  il faudrait établir une discrimination positive en faveur des populations d'outre-mer pour qu'elles puissent voyager à  moindre coût. Il y a un décalage maintenant entre la vitesse à  laquelle on peut se connecter sur Internet et le prix trop élevé de l'avion. Si l'on veut de la diversité culturelle, il faut d'abord que les hommes se rencontrent, vivent et travaillent ensemble. Les conditions de transport font donc partie de la question politique de l'outre-mer.


Jpp : Comment avez-vous été amené à  étudier la situation de l'outre-mer ?

Dominique Wolton : Par intérêt intellectuel, puisque je travaille sur la question de la mondialisation et de la diversité culturelle. Et je trouve que tout ce qui accentue la diversité culturelle est un facteur de progrès. C'est vrai pour les outre-mer, pour la deuxième génération de l'immigration, pour les anciennes colonies, pour la francophonie. Et je trouve scandaleux que la France n'ait pas l'honnêteté de reconnaître l'enrichissement que lui apportent les outre-mer et qu'elle fasse semblant, avec ce discours hypocrite, de dire que ça lui coûte beaucoup, alors qu'en fait ça lui rapporte plus. Pour le moment, la réciprocité n'est pas assez équilibrée. Ce que réclame l'outre-mer, à  juste titre, c'est plus de respect et de remerciements pour ce qu'il apporte à  l'identité française. Cela acquis, il sera plus facile de demander aux outre-mer de respecter leurs droits et devoirs. La France reste trop "hexagonale" alors qu'elle est enrichie matériellement, spirituellement, culturellement, depuis trois siècles, par tous les peuples qu'elle a conquis. Reconnaître cette dette historique, c'est établir les conditions d'un dialogue plus juste et plus respectueux des uns et des autres. La France apporte beaucoup de choses outre-mer, mais les outre-mer apportent aussi énormément de choses à  la France.

Source:
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 710,0.html

Commentaires :what:
Image...An eye 4 an eye! Image
Avatar de l’utilisateur
kebla97167
Battle Emcee
Battle Emcee
Messages : 115
Inscription : ven. 17 sept., 2004 02:05
Localisation : guadeloupe

Message par kebla97167 »

c un sujet doublon dada :winky:
Avatar de l’utilisateur
dada-7
Golden Lyricist
Golden Lyricist
Messages : 832
Inscription : jeu. 15 nov., 2001 02:01
Localisation : An laboula!
Contact :

Message par dada-7 »

kebla97167 a écrit :c un sujet doublon dada :winky:
"just the 2 of us" - Grover Washington Jr.
"Just the 2 of us" - Mirage

...No comment :zzz:
Image...An eye 4 an eye! Image
Répondre