La princesse, toute vêtue de blanc, "couleur de sagesse", des bottines aux cheveux teints, raconte à Paris son ambitieux projet pour sortir son pays d’une guerre civile opposant depuis onze ans l’armée, dominée par la minorité tutsie, à des groupes rebelles hutus.
Avec son tout nouveau parti "Abahuza" (rassemblement), officiellement reconnu le 20 septembre par le ministère burundais de l’Intérieur, elle voudrait "réconcilier les Burundais avec eux-mêmes" par l’élection d’une princesse qui rétablira la monarchie, gage supra-ethnique, selon elle, d’une équité perdue.
"Nous avons vécu 500 ans ensemble sans que personne n’ait pris sa machette pour aller tuer son voisin: parce qu’il y avait une gestion du pouvoir, un équilibre socio-économique basé sur des traditions, entre pasteurs et paysans, entre sociétés forestières et lacustres", poursuit-elle.
Fustigeant la "distinction ethnique imposée par les colonisateurs" partageant la population burundaise en deux grands groupes, hutu (85%) et tutsi (14%), la princesse ganwa (clan royal) se revendique d’un groupe "sans dette de sang", seul à même de proposer "une troisième voie" politique.
Elle a coutume de répéter qu'"au Burundi, l’espérance de vie est de 24 heures renouvelables". "Dans un pays où les gens sont encore armés jusqu’aux dents, où les enfants sont déscolarisés, où le système de santé est en déshérence, c’est la misère sociale que nous devons combattre", affirme-t-elle.
Longtemps, la nièce du dernier roi burundais a pourtant tourné le dos à ce pays où, dit-elle, un "génocide à froid" a fait "plus de 300.000 morts en une décennie". Effrayée par les violences qui ponctuent les années post-indépendance (1962) et par l’assassinat de son père (1964) lors d’un complot de palais, elle quitte le Burundi dès la fin de ses études à l’Ecole nationale d’administration de Bujumbura.
Arrivée à Paris en août 1970, elle se lance dans la mode et devient le premier mannequin noir à défiler en France. "Je suis arrivée au bon moment, les créateurs cherchaient du sang neuf": elle leur apporte du sang royal, 1,78 m de beauté longiligne et un teint noir profond qui subjuguent les podiums de Rabanne, Dior et Lanvin.
Merveilleuses "années paillettes" qu'elle assume fièrement et qui lui ont permis de se "défâcher" avec la terre natale. En 1987, elle crée "Burundi expansion", une agence visant à relancer le tourisme.
En 1990, Esther Kamatari devient présidente de l’Association des Burundais de France, à vocation essentiellement humanitaire. "L’urgence est arrivée après 1993, avec la guerre civile: j’ai choisi la cause des orphelins, parce que c’est ce que je suis moi-même".
Elle se présente dès lors comme la "princesse des rugo" (habitat traditionnel) et fait le tour des camps de déplacés. En 1995, elle lance l’opération "un enfant par rugo", qui permet à 500 orphelins - hutus comme tutsis - de trouver une famille d’accueil, et fait parvenir plusieurs tonnes de denrées alimentaires et des fournitures scolaires dans les camps de déplacés.
L’accord de paix signé en 2000 à Arusha (Tanzanie), qui prévoit l’adoption d’une nouvelle constitution et des élections générales, dont la présidentielle, lui donne l’espoir d’un changement.
"Nous n’avons pas le choix: il faut tenir ces élections, ou nous sombrerons à nouveau dans le chaos", prévient-elle.
