Anse-Bertrand, Guadeloupe, Le 30 Juin 2002 – le Brésil vient d’être sacré Champion du monde de foot-ball. Il y a 4 ans, Lilian Thuram était sur le terrain ivre de joie face a ces mêmes Brésiliens. En ce dimanche ensoleillé, dernier jour du mois de juin, Lilian est face à moi sur une plage qui lui servait certainement d’aire de jeu avant qu’il ne quitte son pays natal à l’age de 9 ans. Drôle de destin : Alors que je me considère presque comme le plus chanceux des journalistes en herbe, je comprendrai tout à fait si Lilian de son côté avait un goût amer à la bouche. Il n’a même pas regardé la finale, a juste appris au réveil que le brésil avait gagné un titre qui encore la veille lui revenait. La veille…
Le samedi précédent ce jour d’aubaine pour moi, Lilian Thuram offrait grâce à la complicité de Brother Jimmy entre autres un spectacle auquel a participé une pléiade d’artiste locaux : Lukuber Séjor, Toxik du groupe Gaz Explicit, Le comique Prosper le journaliste, Admiral T. du karukéra Sound System, et Akiyo Ka. Un public bon enfant, un ciel clément, des artistes impliqués et une bonne ambiance ont été les ingrédients d’une très agréable soirée…
Revenons à ce beau dimanche et à mon rendez-vous de 12 heures avec Lilian Thuram qui se pointe pèpère à presque 14 heures. Généralement, quand vous rencontrez une personnalité publique, même en restant le plus neutre possible, vous vous êtes déjà fait une petite idée sur la personne au préalable. Je ne failli pas à la règle et j’ai été agréablement surpris par sa spontanéité et son naturel après avoir passé plus de deux heures entres «amis»…Nous étions 10 et franchement mon seul amis était Yabé qui avait le rôle de caméraman pour l’occasion. Mais bon l’esprit « Gwada » fait que nou tout’ sé frè, n’est-ce pas ?
Il se fait tard et Lilian enfile son T-shirt “USA” (Union Sportive Ansoise?) a un rendez-vous à 16 heures, Il est 15 heures 35 et nous nous devons de boucler les questions – réponses qui vont suivrent rapidement. Petit tour sur la plage, on choisi un coin tranquille, tout le monde est à l’aise ? Caméra OK ? Allez, sa tourne :
Lilian Thuram est footballeur professionnel à la Juventus de Turin (Italie) et membre de L’équipe de France. Il est né à Pointe-à-Pitre le 1er Janvier 1972 et a été le premier né de l’année en Guadeloupe cette année là. Sa famille quitte la Guadeloupe alors qu’il n’a que 9 ans. Il grandi alors en région Parisienne jusqu’à l’âge de 17 ans et demi, il intègre alors le centre de formation de l’équipe de Monaco et là commence sa vie professionnelle. Lilian partage sa vie avec Sandra, martiniquaise qu’il a rencontré en région Parisienne et ils sont maintenant parents de 2 enfants, Marcus (5 ans) et Khephren (16 mois)
GwadaYouth : Lilian, tu es parti de la Guadeloupe relativement jeune, quels souvenirs en a tu gardé ?
Lilian Thuram : Tout d’abord, je ne remercierais jamais assez la vie de m’avoir fait naître ici et d’avoir reçu l’éducation Antillaise : le respect des aînés, l’importance de la famille immédiate et de la famille en général… Alors qu’ailleurs on a l’impression qu’il n’y a pas assez d’heures dans une journée, Cette tranquillité, cette pseudo nonchalance que nous avons et qui en fait ne fait que démontrer que nous savons prendre le temps de vivre se rapproche vraiment du bonheur !
G.Y. : L’équipe de France 2002 moins forte qu’en 1998 ?
L.T. : Ben au vu des résultats il faut croire que oui. Maintenant si on va un peu plus loin on peut dire qu’en 2002 il nous a manqué cette cohésion qui a fait de nous l’équipe de France en1998. Nous avions des joueurs de grande qualité, mais cela ne peut suffire…
G.Y. : As-tu de vrais amis dans le monde du foot-ball ?
L.T. : Oui quant même ! La plupart de mes co-équipiers du centre de formation de Monaco : Gilles Grimandi, Marc Delaroche par exemple. Sinon parmi les plus connus il y a Patrick Viera, Christian Karembeu, Bogossian et d’autres encore que j’estime beaucoup et avec lesquels je partage des relations extra professionnelles. __ G.Y. : La soirée d’hier soir était vraiment réussie, dans quel but l’as-tu organisé ?__
L.T. : Le but principal de la soirée était de remercier toutes les personnes qui ont participées de près ou de la loin à la construction de ma maison que je trouve extraordinaire, et de leur montrer que leur travail a été apprécié. Je les ai donc d’abord reçu à la maison. Puis je voulais aussi remercier la population ansoise pour qui j’ai l’impression d’être resté le petit garçon de Marianna qui se promenait dans le bourg, ou à Ravine sable, ou aux Grands fonds et franchement ça fait extrêmement plaisir de pouvoir se ressourcer au sein des siens en toute tranquillité. Ici je suis juste Lilian ! J’ai beaucoup voyagé, connu différentes villes et pour moi, Anse-Bertrand reste la plus belle commune du monde ! Nous sommes des gens « vrais » et c’est pour cela que la soirée a été organisée autour d’une musique « vraie » qui est le Gwo Ka .
G.Y. : Comment penses-tu apporter ta contribution à l’évolution de la Guadeloupe ?
L.T. : Franchement, maintenant je suis un peu déconnecté vu ma situation professionnelle, mais j’espère vraiment pouvoir faire quelque chose plus tard. La vie m’a tellement donné que ce serait dommage de ne pas redistribuer. C’est peut-être un défaut mais je n’aime pas déléguer. Je dois d’abord toucher à la réalité de la Guadeloupe avant d’entamer des actions.
G.Y. : Petit envisageais-tu une carrière de Footballeur ?
L.T. : Non, quand j’étais petit nous n’avions pas de télé, donc je ne savais pas qu’il était possible de gagner sa vie en jouant au foot-ball. Par contre, j’ai toujours aimé jouer, et ce n’est qu’une fois arrivé en France que des copains m’ont parlé de centres de formations et l’aventure a alors commencé comme ça ! Petit, à Anse-Bertrand, j’admirais le prêtre et le respect qu’il recevait…En réfléchissant, si je devais éxercer un métier ce serait celui d’éducateur : Apporter aux jeunes en s’appuyant sur des valeurs positives, ça c’est au beau métier !
G.Y. : Souvent les sportifs et les artistes en général sont considérés comme des modèles, acceptes tu ce rôle ?
L.T. : Pour moi c’est un poid trop important. Je vis en respectant mes idées, maintenant si les jeunes tirent de choses positives, un message positif de mes actions et de mes paroles, c’est bien ! Mais c’est un rôle que je n’aime pas parce que nous (artistes) ne sommes pas toujours dans le vrai.
G.Y. : Quel est ton livre préféré ?
L.T. : J’aime beaucoup “Jonathan Levingston, le Goeland”, “Le petit prince” aussi, et j’aime lire les oeuvres de Cheik Anta Diop.
G.Y. : Bon, nous allons finir par un quizz avec 2 dates importantes de l’histiore de la Guadeloupe…
L.T. : WAYY!!!!
G.Y. : 1802 ?
L.T. : C’est la révolte de … Comment il s’appelle encore ?… Delgrès ! Delgrès et ses compagnons après le rétablissement de l’esclavage par notre “ami” Napoléon Bonaparte.
G.Y. : Ok ! Et Mai 1967 ?
L.T. : 1967 ? Woyoy !…..C’est pas…la departementalisation ?…1967 !…C’était hier quand même ! 1967? (Explications et discussion sur les évènement de Mai 1967 qui ont débuté à Basse-Terre puis sur la place de la victoire à Pointe-à-Pitre)….Ah ben merci vous m’apprenez quelque chose là !
Juste avant de terminer l’interview, je reviens sur une question posée par quelqu’un dans le vide lors de la soirée de la veille et demande à Lilian pourquoi on ne l’entend jamais parler Créole. Il m’explique alors qu’étant parti très jeune de la Guadeloupe et étant assez réservé, qu’il ne pensait pas être déjà en mesure de parler Créole correctement et publiquement (il le fait avec ses parents) mais que c’est un point sur lequel il compte travailler car s’il maitrisait le Créole, il aurait même répondu à ses interviews en Créole (Ou pa-a tann?!)
Entretien : Seven pour Gwadayouth.com (Propos recueillis le 30 Juin 2002).
je suis fiere de toi tonton…