Aux balbutiements de Facebook en Guadeloupe en fin 2008 et début 2009, c’est bien le relais de l’information par des outils tel Gwadayouth.com qui, dans un premier temps, sert de porte-voix au mouvement social qui sera par la suite baptisé Liyannaj Kont Pwofitasyon. Les meetings enregistrés puis diffusés sur le net touchent une partie de la population jusque là pas impliquée. Du côté des militants avertis, Radyo Tanbou joue aussi son rôle en dépêchant ses équipes à chaque manifestation.
Lorsqu’une table de négociation est mise en place en janvier 2009, que Canal 10 décide de couvrir l’événement en direct télé et que l’ensemble de la Guadeloupe n’a d’autres choix que de regarder, d’écouter et d’être choqué par tant de révélations, le LKP ne s’appartient plus… Il appartient dorénavant au peuple guadeloupéen.
Le choc des images de “l’affaire Lambert”, diffusées par un dénominateur commun aux 2 mouvements populaires, monsieur Hubert Quiaba, accompagné d’autres membres de l’association LCDM, a eu le même effet spontané. Voir une famille avec 2 enfants en bas âge (+1 à venir) vivre sous une tente pendant 6 mois, dans les bois, chassant des rats, tout en restant humbles et fiers… Oui, ça choque !
Nous, guadeloupéens, sommes très sensibles à l’injustice. Nous savons nous dresser et faire 1 sans concession lorsque que le combat est juste, et surtout, lorsque nous n’avons pas d’autre choix que de regarder.
Malheureusement, nous sommes observés. Nous sommes étudiés. Notre bourreau de toujours qui nous inflige, à nous fils et filles d’Africains déportés de force et à nous fils et filles d’Indiens invités sur cette terre de Guadeloupe avec un billet aller-retour, un mélange entre syndrôme de Stockholm et complexe d’oedipe… Car cette France est, après tout, co-créatrice du Peuple Guadeloupéen. I konnét nou konsi i fè nou!
“Ne surtout pas leur donner de raison de se rassembler autour d’une seule cause !” 😏 En fait, mis à part quelques ratés ici et là, ça fait quand même 222 ans (est. 1802) que ce mot d’ordre se transmet de gouvernement en gouvernement et qu’il fonctionne !
Au XXeme siècle c’est la radio qui dictait le rythme des foyers guadeloupéens et le bouche à oreilles suffisait pour rassembler. “On mèt-lékòl blan fouté on timoun on kou-pyé! Jòj Faisans fouté blan la on kout-plat-sab! Mi yo maré Faisans!“. Il en fallait alors peu pour choisir son camp et se dresser ensemble tel un seul homme face à la “justice” française. Il n’y avait pas de “wè mè ka timouna fè blan la?“, “Ès timouna sa apa on mal-maké zabim?“, “Faisans paté oblijé ay jous la!” qui tiennent… Nou paté ka rantré an konsidérasyon a pon moun! Nou té ja pran twòp anba men a yo pou sav ni on sèl kan a chwazi. Les fragiles étaient alors priés de serrer à droite !
Au XXIeme siècle, c’est la vidéo qui dicte le rythme des foyers. Le bouche à oreille ne suffit plus à faire bouger. Il faut des images. Plus d’images, sinon nous restons insensibles.
Pas d’images de cancéreux en plein traitement de radiothérapie ou de chimiothérapie ? Pas d’images des obsèques de ceux qui meurent chaque semaine à cause d’un poison appelé Chlordécone/Kepone, déployé avec la complicité de la France, empoisonnant plus de 8 guadeloupéens sur 10 ? Pas d’images ? Tant pis.
Pas d’images des “grands frères” dans leur cellule, se demandant chaque heure, chaque jour, chaque semaine, chaque mois, chaque année ce qu’ils foutent en “détention provisoire”. Pas d’images de leurs enfants qui grandissent sans l’influence paternelle dans leur vie. Pas d’images de la dérive que cela peut engendrer. Pas d’images des railleries subies à l’école. Pas d’images du rictus de ceux qui sont responsables de ces emprisonnements déguisés. Pas d’images ? Tant pis.
Pas d’images de ce sexagénaire contrôlé sur la route à Deshaies par une brigade de militaires et transféré au CHU avec 2 vertèbres cassées le rendant paraplégique ? “Yo di misyé té sou, i tonbé tousèl a-y”, “domino paka joué an pangal, an nou atann pou vwè”. Pas d’images de ces 2 militaires impliqués dans l’affaire, se la coulant douce et probablement multipliant les travers ? Pas d’images d’un de ces militaires obtenant décorations et grade… Ah ! On a les images du contrôle ! Trop tard 🙁
Toutes ces victimes qui n’ont pas le réflexe de filmer ou la chance de voir filmer leur calvaire, à qui on reproche presque de ne pas avoir fait le job, ne sont pas à blâmer. Nous sommes à blâmer ! Ce nous qui, à force de créer des groupes et des sous-groupes de militants chaque fois qu’un égo en quête de reconnaissance puérile est mal léché, se perd et n’arrive même plus à écouter son cœur et ses ancêtres lorsque vient l’heure de choisir son camp.
#JistisPouKlodo – #LagéOneel – #GénocideParSubstitution – #ChlordéconeCrimeColonial – Ni on tan pou hashtag, ni on tan pou lari-la!
Ne surtout pas leur donner de raison de se rassembler autour d’une seule cause !
222 ans (kontè-la ka touné)
