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Christine Arron: Si je pensais ne pas pouvoir faire mieux qu’avant, je serais restée chez moi !

Après une année peu évidente aux Etats-Unis, puis une année sabbatique pendant laquelle est né le petit Ethan, Christine Arron rechausse ses pointes juste à temps pour le grand évènement que constitue les championnats du monde d’athlétisme (été 2003). Tête à tête authentique avec une de nos rares représentantes à l’échelle internationale…

Gwadayouth : On connaît Christine Arron l’athlète, qui est Christine Arron la femme ? Comment te définis-tu ?

Christine Arron: Le plus simplement possible. Une personne comme toute les autres, qui va à l’entraînement tous les jours, de façon motivée, et qui essaie de faire au mieux à chaque fois. En fait, c’est plutôt les proches qui me connaissent vraiment qui peuvent me définir en tant que femme, plus que moi, je pense…

G.Y. : Tu sors d’une saison sabbatique, ça fait du bien de couper de la compétition ?

C.A. : De la compétition en elle-même, peut être pas, c’est quelque chose chose que j’aime beaucoup. J’ai un esprit ou je dois me mesurer aux autres pour savoir ou j’en suis. Mais le repos était appréciable après un surplus d’entraînements aux Etats-Unis, et mon corps en avait vraiment besoin. Ca fait a peu près 18 ans que je fais de l’athlé, c’est la première année où je m’arrête vraiment donc ça fait du bien. J’ai pas pensé athlé, j’étais tranquille, quoi, vraiment axée sur ma grossesse, et ça c’était bien. Donc là, j’ai repris vraiment avec beaucoup de motivation.

G.Y. : Dans quel état d’esprit abordes-tu l’année 2003, et comment tu te motives mentalement pour revenir à ton meilleur niveau ?

C.A. : En super forme, en plus maintenant avec mon fils, j’ai de nouvelles motivations qu’avant, puisque je sais que je dois assurer pour lui. Cette motivation est aussi plus forte parce qu’après des blessures à répétitions j’ai envie de remontrer le bout de mon nez, voir plus ! (rires) J’ai encore un bon potentiel à exploiter et faut pas le laisser dormir, donc je fais tout ce qu’il faut pour que ce soit une bonne année, surtout que c’est l’année des championnats du monde à Paris.

G.Y. : Prochaines échéances, mondiaux 2003. Comment évalues-tu ta marge de progression jusqu’à là ?

C.A. : Une grande, grande marge de progression ! Cela dit à chaque séance je progresse vraiment. J’en suis même étonnée. De plus, mon nouvel entraîneur m’apporte beaucoup de choses nouvelles et positives. Après ces deux années un peu dans le “trou”, Si la santé reste bonne, la progression suivra.

G.Y. : Le changement de coach est intervenu comment ?

C.A. : Au départ je n’avais vraiment personne en tête, j’avais donc décidée me m’entraîner toute seule, chose très difficile car sans entraîneur la motivation est moindre. Ensuite, on m’a parlé de Guy Ontanon (entraîneur de Muriel Hurtis, Sylviane Félix, Davis Patros,…), on s’est rencontré il y a bientôt un an. On a discuté. Son type d’entraînements m’avait l’air assez bien, et l’essai a été concluant.

G.Y. : Tu reprendras sur quelle distance ? 100 ? 200 ? Ou les deux ?

C.A. : Ben, 100 mètres dans un premier tant et je pense que le 200 suivra. Pour l’entraîneur que j’avais avant (Jacques Piasenta), les deux n’étaient pas vraiment compatibles, mais là ce n’est apparemment pas le cas, donc je vais faire les deux ! Surtout que franchement, sur 200, j’ai aussi une bonne marge, donc il n’y a pas de raisons. Autant joindre l’utile à l’agréable et faire les deux.

G.Y. : La vie de mère est-elle facilement compatible avec celle de l’athlète ?

C.A. : C’est compatible mais difficile. Il y a toute une organisation derrière. C’est tout nouveau donc difficile pour moi, mais ça me donne beaucoup de courage et je m’y plais bien. J’aime bien cette nouvelle vie !

G.Y. : Le meilleur reste t-il à venir ou penses-tu avoir déjà été au sommet de ton art ?

C.A. : Alors là, franchement s’il fallait penser comme ça, je ne serai pas allée à l’entraînement. Il n’y aurait eu aucune motivation. Si ce n’est pas pour faire mieux que ce que j’ai déjà fait, franchement ça ne m’intéresse pas. Je pense bien sûr que le meilleur reste à venir, ou du moins je l’espère. C’est en tout cas une partie de mes désirs et de mes objectifs !

G.Y. : Quelles sont selon toi les trois femmes à battre actuellement sur 100 et 200 mètres ?

C.A. : Pour moi tout le monde est à battre ! Il y a une catégorie de filles qui est là depuis un certain temps. Il y en a d’autres qui arrivent, moi je fais avec ce qu’il y a. On ne sait jamais d’une année à l’autre qui va être là ou pas. C’est vrai que les gens me parlent toujours de Jones, mais même elle s’est fait battre par Pintusevic l’an dernier. Je pense tout simplement qu’il y a des rivales et qu’il faut toutes les battre pour gagner.

G.Y. : Beaucoup de sportifs sont superstitieux, as-tu un rituel avant chaque course ?

C.A. : Du tout, pas de rituels. Cela dit, il y a des petits trucs d’athlètes qui relèvent un peu de la superstition, comme ne pas se faire passer par-dessus les jambes. Après ça reste dans la tête et on n’apprécie pas trop, mais bon je ne suis pas superstitieuse pour autant.

G.Y. :Que penses-tu de Marie-José Pérec, l’athlète ? Sa possible participation aux mondiaux ?

C.A. : C’est une grande athlète qui a beaucoup de talent, mais je ne la connais pas personellement. Il parait qu’elle s’entraîne depuis déjà plus d’un an ici, en Guadeloupe. Je lui souhaite un bon retour et bon courage. J’espère qu’elle pourra revenir et faire oublier l’épisode Sydney, mais il faut que les gens aussi retiennent qu’elle a déjà tout gagné et que si à presque 34 ans elle a envie de s’arrêter, elle s’arrête.

G.Y. : Qui est plus forte ? Muriel Hurtis ou Christine Arron ?

C.A. : P****, les questions ! (rires). Nous avons chacune fait nos parcours, à différents moments. Bon maintenant pour savoir qui est la meilleure, il faut attendre et voir.

G.Y. : As-tu de vrais amis dans le monde du sport ?

C.A. : Non, du tout ! A un moment j’ai cru en avoir, mais il vaut mieux pas.

G.Y. : Que t’as apporté ton expérience aux Etats-Unis avec John Smith, un coach pour sprinters que beaucoup considèrent comme le meilleur ?

C.A. : Je pense qu’il y a de bons entraîneurs, mais je ne dirai pas que John Smith c’est le meilleur. Il y a un côté technique qu’il néglige un peu, et je n’ai pas vu les bienfaits de ses entraînements qui étaient un petit peu au-dessus de mes possibilités physiques, beaucoup trop même ! Sinon, c’est un bon coach au même titre que ceux que j’ai eu jusqu’à présent, mais le meilleur, ça m’étonnerait.

G.Y. : Alors, Christine Arron championne du monde 2003! Rêve ou objectif ?

C.A. : Mes objectifs se définiront au fur et à mesure sur la saison et restent très personnels. Cela dit, je pense que c’est le rêve de tout le monde d’être sur la plus haute marche du podium, et donc le mien aussi.

G.Y. : Comment perçois-tu la situation économique aux Antilles-Guyane et comment envisages-tu l’avenir politique et social de nos îles ?

C.A. : Honnêtement, il faut qu’on ait un meilleur état d’esprit, qu’on arrête d’être laxistes. Il faut qu’on se réveille un peu. On dirait que la Guadeloupe c’est… un navire sans capitaine (rires !)…Non mais c’est vrai !

G.Y. : A partir du moment où tu entres sur le stade, il y a au moins 400 000 personnes qui partagent tes émotions, bonnes comme mauvaises, te considères-tu comme l’ambassadrice des Guadeloupéens, et des Caribéens à une plus grande échelle ?

C.A. : Ambassadrice, pourquoi pas ?! J’essaie de faire de mon mieux. En compétition, je suis consciente que les Guadeloupéens sont derrière moi et j’essaie de représenter un maximum. Après quand les résultats suivent, c’est clair que ça fait plaisir. C’est comme à un autre niveau, la Miss France : Les gens étaient contents. Mais il ne faut pas se leurrer, ce sont quelques personnes qui amènent un peu de bonnes choses pour le pays mais bon, faut pas dormir dessus !

G.Y. : Que penses-tu de la place donnée au créole à l’école ?

C.A. : C’est une bonne chose d’introduire le créole à l’école. On le parle tous, mais l’écrire reste un challenge. Je pense que c’est une langue à part entière. Maîtriser la langue pourra peut-être permettre aux jeunes de ne pas mélanger le Français et le créole, ce dont nos parents ont toujours eu peur. De plus, c’est une richesse culturelle qu’il faut garder.

G.Y. : Quel est ton film préféré ?

C.A. : Aucun.

G.Y. : Artiste préféré ?

C.A. : Aucun.

G.Y. : Livre préféré ? (rires)

C.A. : (rires) En fait je n’ai pas de préférence. Ce sont des questions auxquelles j’ai toujours du mal à répondre. J’ai du mal à mettre une personne, ou un film, ou un livre au dessus d’autres. Pas de préférences !

G.Y. : Le plus beau jour de ta vie ?

C.A. : Je ne sais pas. Je n’ai pas encore sentie un truc assez puissant pour dire : « Là, c’est le plus beau jour de ma vie ! ». J’aurai voulu que ce soit la naissance de mon fils, mais tout ne s’est pas passé comme je le voulais, donc j’étais un petit peu déçue mais bon… D’un autre côté, cela aurait pu être mon titre de championne d’Europe… En fait, je suis assez perfectionniste. J’aime les choses bien faites et j’ai du mal à me contenter de certaines choses, je veux toujours plus. Je cherche toujours à faire un petit peu plus que les autres. Ce jour reste à venir. C’est pas plus mal.

G.Y. : Un message aux visiteurs de Gwadayouth.com ?

C.A. : Soyez de plus en plus nombreux à venir sur le site. Santé, prospérité, bonheur, et surtout… Evoluez, Evoluons !

Questions des membres du forum Gwadayouth.com (Propos recueillis le 14 janvier 2003).

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